L’Egisto (Égysthe)

L'Egisto - livret - 1643 - première impression

COMPOSITEUR Francesco CAVALLI
LIBRETTISTE Giovanni Faustini
DATE DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
1970 Renato Fasano Morgan Recording Federation 2 (33 t) italien
1973 Hans Ludwig Hirsch Eurodisc/Ariola 2 (33 t) italien

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Favola dramatica musicale en un prologue et trois actes, créé au Teatro San Cassiano, à Venise, à l’automne 1643 (le 1er septembre ?).
Reprise à Gênes en 1645, à l’ambassade de France à Rome, à Florence et Paris en 1646, à Bologne en 1647, à Ferrare en 1648, à Bergame et Bologne en 1659, à Palerme en 1661, à Florence et à Modène en 1667.
Uu opéra fut représenté à Naples, en décembre 1650 ou janvier 1651, dénommé Ergasto ou Egisto. On ne peut affirmer qu’il s’agisse de l’oeuvre de Cavalli.
Jusqu’à une date récenhte, on pensait que l’oeuvre avait été représentée à Paris, en petit comité, et sans effets de mise en scène, à l’initiative de Mazarin, dans la petite salle du Palais Cardinal, lors du mardi-gras de 1646, en présence des reines de France et d’Angleterre, du duc d’Orléans, du prince de Condé, du prince Thomas de Savoie et des cardinaux Antonio Barberini et Mazarin.
Selon la musicologue Barbara Nestola, il s’agirait en fait de L’Egisto, autre dénomination de l' »opéra comique » Chi soffre, speri, de Virgilio Mazzocchi et Marco Marazzoli.

 

Une partition fait partie de la collection Contarini, qui n’est pas de la main de Cavalli, mais d’un copiste que l’on retrouve dans une quinzaine de partitions de Cavalli. Une seconde partition est conservée à la Bibliothèque palatine, à Vienne, vraisemblablement de la main d’un élève de Cavalli.
Le livret fut édité :
. une première fois en 1643 à Venise, par Pietro Miloco,
. par Surian, la même année, à Venise, pour une seconde impression ;
L'Egisto - livret de 1643 - seconde impression
. par Pier Gio. Calenzani, à Gênes, pour une troisième impression, en 1645 ;
. par Heredi del Dozza, à Bologne, en 1647 ;
. par l’Herede del Benacci, à Bologne, en 1659 ;
. par l’imprimerie ducale, à Florence, en 1667 ;
. par l’imprimerie ducale à Modène, en 1667, avec le frontispice : L’Egisto. Dramma musicale fatto rappresentare in Spilimberto dall’Eccellenza del sig. Marchese Guido Rangoni signore di detto Luogo, per le nozze degli Illustrissimi, Eccellentissimi signori Marchese Filippo suo figlio, D. Anna Teresa Rangoni. In Modena, per il Soliani, stamp. Ducale, s. d. (1667).

Personnages : la Notte (alto), l’Aurora (soprano) ; Egisto, épris de Clori (ténor), Lidio, amant de Clori (alto), Clori, éprise de Lidio (soprano), Climene, éprise de Lidio (soprano), Dema (alto), Hipparco, frère de Climene (ténor), Apollo (alto), Volupia (soprano), la Bellezza (soprano), Amore (soprano), Semele (soprano), Fedra (soprano), Didone (alto), Hero (soprano), Venere (soprano), Cinea, esclave de Hipparco (ténor), Hore 4 ministre d’Apollo, Le Gratie, Choro di Amorini, Choro di Heroide morte infelicemente per amore, Choro di Servi armati d’Hipparco, Choro di Serve di Climene.
La scène se passe dans une campagne de Zacinto, île de la mer Ionienne, aujourd’hui dite Zante, à la saison du Printemps.

Synopsis détaillé

Prologue
La Nuit, l’Aurore

Acte I
L'Egisto - partition - acte I
Un paysage de forêt
Sc. 1 – Lydius se lève avec l’aurore, et appelle celle qu’il aime, sans voir Egisthe et Climene endormis.
Sc. 2 – Arrive Cloris. Tous deux expriment leur joie de se retrouver. Tout en dormant, Egisthe se plaint de la trahison de Cloris. Lydius s’interroge. Celle-ci proteste de sa fidélité. Cloris est troublée en voyant Egisthe et Climene et s’enfuit.
Sc. 3 – Climène réveille Egisthe qui continuait à se plaindre, croyant avoir vu en rêve son aimée dans les bras d’un autre. Il explique qu’il est fils d’Apollon, et amoureux de Cloris avec laquelle il a a été enlevé par des pirates, et dont il a été séparé. Depuis, il s’est évadé et est à la recherche de son aimée. Climène raconte à son tour qu’elle a été fait prisonnière la veille de son mariage avec Lydius, et qu’elle a été vendue. Tous deux s’apprêtent à se diriger vers un manoir lorsqu’Egisthe lit sur arbre une inscription Lydius pour toi vit Cloris de Délos. Tous deux se sentent trahis, et préparent leur vengeance.
Sc. 4 – Hipparque, frère de Climène, seul, se lamente. Amoureux de Cloris, celle-ci lui préfère Lydius. Il veut se venger en tuant Lydius.
Sc. 5 – Déma confirme à Hipparque que Cloris lui préfère Lydius. Elle tente de dissuader Hipparque de tuer Lydius, en lui promettant parler en sa faveur à Cloris.
Sc. 6 – Déma se moque de Cloris qui rejette les avances d’Hipparque, considérant que le bel âge dure trop peu pour qu’on repousse les amants.
Sc. 7 – Cloris constate que son amour pour Egisthe s’est éteint, remplacé par Lydius.
Le paysage de forêt laisse la place au palais de Vénus
Sc. 8 – la Beauté et la Volupté se vantent de leur pouvoir.
Sc. 9 – Amour rappelle que l’univers lui est soumis.
Sc. 10 – Vénus est ulcérée qu’Egisthe soit parvenu à Zacinthe, et qu’il soit aimé de Cloris. Amour lui promet de faire tourmenter Egisthe par une Furie.
Acte II
L'Egisto - partition - acte II
Un village
Sc. 1 – Egisthe se lamente d’avoir perdu l’amour de Cloris. Il se décide à la retrouver, espérant raviver son amour.
Sc. 2 – Egisthe rencontre Cloris qui feint de ne pas le reconnaître, assurant que l’Egisthe qu’elle aimait est mort. Egisthe veut se faire reconnaître, mais Cloris le traite de fou.
Sc. 3 – Egisthe pleure son triste destin.
Sc. 4 – Climène a retrouvé son frère Hipparque, et est à la recherche de Lydius, ne voulant pas croire à son infidélité.
Sc. 5 – Climène rencontre Lydius chantant son amour pour Cloris. Lydius lui avoue l’avoir oubliée et remplacée.
Sc. 6 – Climène se lamente de la trahison de son ancien fiancé.
Sc. 7 – Hipparque, lui-même tourmenté, rencontre sa soeur qui lui confie que Lydius l’a abandonnée pour une autre. Il lui annonce qu’il va se venger.
Sc. 8 – Déma conseille à Hipparque de prendre une autre amante, regrettant de n’avoir pas assez pris de bon temps dans sa jeunesse.
Le Bois de Myrtes de l’Érèbe, abri de ces héroïdes qui périrent misérablement par amour
Sc. 9 – Sémélé, Clytie, Phèdre, Didon, Canacé, Héro tentent d’attraper Amour. Chacune a à se plaindre de lui. Elles cherchent quel supplice lui infliger. Amour appelle sa mère à son secours.
Sc. 10 – Apollon s’étonne de trouver Amour prisonnier. Il promet à Amour de le délivrer si il parvient à rendre Cloris à Egisthe. Amour accepte, et Apollon convainc les héroïdes de le relâcher.
Acte III
L'Egisto - partition - acte III
Un délicieux bocage
Sc. 1 – Lydius et Cloris échangent des paroles d’amour.
Sc. 2 – Hipparque survient avec des hommes armés, et menace Lydius qu’on attache à un arbre. Hipparque propose à Climène de se venger en tuant Lydius. Cloris refuse de le suivre. Hipparque la fait emmener par les hommes armés.
Sc. 3 – Climène ne parvient pas à tuer Lydius. Elle veut retourner l’arme contre elle. Lydius arrête son geste en lui disant qu’il l’aime à nouveau. Cloris est pleine de joie. Ils partent à la recherche d’Hipparque.
Sc. 4 – Amour révèle qu’il a frappé Lydius de sa flèche en faveur de Climène.
Sc. 5 – Egisthe est atteint e folie, et erre, prononçant des paroles sans suite.
Une cour dans le palais d’Hipparque
Sc. 6 – Cloris crie sa haine à Hipparque.
Sc. 7 – Climène chante sa joie d’avoir retrouvé l’amour de Lydius. Celui-ci rassure Hipparque à propos de Cloris.
Sc. 8 – Cineas rapporte à Hipparque qu’Egisthe est atteint de folie.
Sc. 9 – Egisthe arrive. Cloris est prise de pitié, et sent renaître son amour pour lui, mais Egisthe ne la reconnaît pas.
Sc. 10 – La Première Heure tire Egisthe de sa folie. Il reconnaît Cloris qui l’assure de son amour. La Première Heure annonce à Egisthe et Cloris qu’elle va les mener à Délos.
Un paysage en partie de forêt, en partie maritime
Sc. 11 – Les Deuxième, Troisième et Quatrième Heures philosophent.
Sc. 12 – Cloris et Egisthe savourent leur bonheur sur la route de Délos par les airs.

Argument
Sur l’île de Zakynthos, Clori et Lidio s’aiment et envisagent leur union. Egisto et Climene arrivent sur l’île. Egisto raconte à Climene comment lui et Clori ont été capturés par des bandits de Corse. Climene indique qu’elle et Lidio ont supporté une expérience semblable. Tous les deux s’aperçoivent qu’ils ont été trompés par leurs amoureux respectifs et vont chercher la vengeance auprès d’Amour. Hipparco, frère de Climene aime également Clori qui le repousse.Vénus prie Amour de conduire Egisto qui rencontre Clori. Celle-ci lui dit ne plus l’aimer et vouloir rester avec Lidio. Hipparco capture Lidio et encourage sa soeur à le poignarder Lidio, mais celle ne peut s’y résoudre. Amour intervient et redonne à Lidio son amour pour Climene. Egisto, est devenu fou de douleur. Mais grâce à Amour, Clori est attendri et retrouve son amour pour lui, ce qui le sauve de la folie. Les deux couples sont réunis par la puissance d’Amour. Climene et Lidio restent sur l’île, alors que Clori et Egisto sont emmenés au royaume des dieux.
Livret original :

http://www.urfm.braidense.it/rd/00717.pdf (Milan – Biblioteca Nazionale Braidense)
http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0004/bsb00047976/images/index.html (Roma, Istituto Storico Germanico)
http://books.google.fr/books?id=3_tDAAAAcAAJ&printsec=frontcover&dq=l’egisto&source=bl&ots=2QaaIv9vB3&sig=njpRZq_PfSj7q-o48M2nDk9ZgQE&hl=fr&sa=X&ei=_AhjUPOEJcSo0AW3joBo&ved=0CEsQ6wEwBA#v=onepage&q=l’egisto&f=false

Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr
Livret en italien :

http://www.librettidopera.it/egisto/egisto.html
http://amsdottorato.cib.unibo.it/226/1/I_drammi_musicali_di_Giovanni_Faustini_per_Francesco_Cavalli.pdf (page 113)

Partition : Faber Music (Londres) – version Raymond Leppard – 1977

Représentations :


Luxembourg – Grand Théâtre – Grande Salle – 5, 7 décembre 2013 – Le Poème Harmonique – dir. Vincent Dumestre – mise en scène Benjamin Lazar – décors Adeline Caron – costumes Alain Blanchot – lumières Christophe Naillet – maquillage et coiffure Mathilde Benmoussa – avec Marc Mauillon (Egisto), Renaud van Mechelen (Lidio), Claire Lefilliâtre (Clori), Isabelle Druet (Climene), Cyril Auvity (Hipparco), Ana Quintans (Aurora, Amore, Prima Hora), Luciana Mancini (Didone, Voluptia), Caroline Meng (Bellezza, Hero), Serge Goubioud (La Notte, Apollo, Dema), Mélodie Ruvio (Venere, Fedra), Mariana Flores (Semele, Cinea), David Tricou (Apollo)

Luxemburger Wort

« La distribution est des plus sélectes : il y a des assortiments lyriques et, pour faire contrepoids, des timbres plus graves et plus dramatiques. L’atmosphère feutrée est un peu rompue (pas à notre déplaisir) par la rhétorique musclée er les ressources variées de Marc Mauillon et d’Isabelle Druet qui campent un Egiste et une Clymène débordant de sève. »

Opérabase

« Le regard attentif de Benjamin Lazar] sur cet opéra des origines, son analyse et sa réflexion sur les modes de représentation d’alors, ses conclusions créatrices, vont lui permettre d’en proposer une véritable recréation, qui réunit le passé et le présent, et qui de ce fait interpelle un spectateur amené à reconsidérer ses habitudes de perception et d’expression. […] Les jeunes chanteurs sont remarquables d’engagement et de talent dans leurs «prises de rôles». Quant à Vincent Dumestre, il a superbement reconstitué une partition parcellaire, qu’il fait réellement vivre – et de belle vie – avec son Poème Harmonique. »

Conservatoire de Saint-Maur – 23 mars 2012 – dir. Robin Troman – mise en scène Anne Barlind – avec Stéphanie Varnerin (Aurora)
extrait vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=SQvH-_xhjyc

Opéra Comique – 1er, 3, 5, 6, 8, 9 février 2012 – Opéra de Rouen – 17, 17, 19 février 2012 – Le Poème Harmonique – dir. Vincent Dumestre – mise en scène Benjamin Lazar – décors Adeline Caron – costumes Alain Blanchot – lumières Christophe Naillet – maquillage et coiffure Mathilde Benmoussa – avec Marc Mauillon (Egisto), Anders Dahlin (Lidio), Claire Lefilliâtre (Clori), Isabelle Druet (Climene), Cyril Auvity (Hipparco), Ana Quintans (Aurora, Amore), Luciana Mancini (Didone, Voluptia), Serge Goubioud (La Notte, Apollo, Dema) – Coproduction Opéra de Rouen-Haute Normandie, Les Théâtres de la ville de Luxembourg, Le Poème Harmonique


présentation vidéo
extraits vidéo
Le Monde

« Dans la galerie de l’évolution de l’opéra vénitien au début du XVIIe siècle, Pier Francesco Cavalli (1602-1676) est le chaînon manquant entre le génial « père de l’opéra », Claudio Monteverdi, dont il fut l’élève, et le non moins génial Antonio Vivaldi, dont il anticipe l’heureuse prolificité – l’opéra, il est vrai, a changé de destination, passant des cours et des palais aux salles de spectacle publiques et payantes.
Avec l’Egisto de Cavalli, la scène parisienne a levé cette saison un lièvre musicologique. Alors que l’on avait toujours présenté l’oeuvre du Vénitien (de son vrai nom Caletti-Bruni) comme le premier opéra italien intégralement représenté en France (au Louvre en 1646), Barbara Nestola a prouvé, partition découverte en 2008 à la Bibliothèque nationale de France (BNF) à l’appui, qu’il s’agissait en fait de l’Egisto romain de Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi. Celui-ci a d’ailleurs créé une heureuse surprise en ouverture de saison sous la direction de Jérôme Correas au sein de la Fondation Royaumont puis au Festival baroque de Pontoise, enfin, au Théâtre de l’Athénée à Paris.
Manège sentimental – C’est donc par un curieux hasard de l’Histoire que le fameux Egisto de Cavalli fait sa première entrée parisienne ce 1er février : l’Opéra-Comique a repris pour ce faire l’équipe gagnante de 2008 qui avait enchanté Cadmus et Hermione, de Lully. Mais favola drammatica italienne n’est pas tragédie lyrique française, et le premier écueil de cette nouvelle production réside dans le quasi-« analphabétisme » des voix, pour la plupart insoucieuses des couleurs et de l’articulation prosodique italienne – ce point était justement l’un des atouts du travail de Correas, qui mêlait italien poétique et dialectes populaires bergamasque et napolitain.
L’histoire d’Egisto pourrait être celle des Bronzés sur une île ionienne si le metteur en scène Benjamin Lazar ne préférait évoquer la poétique d’un Songe d’une nuit d’été shakespearien. Clori a délaissé Egisto pour Lidio, lequel idiot a oublié Climene pour Clori, dont est également amoureux Hipparco, le frère de Climene. Tout cela n’est en fait que la partie visible de la querelle qui oppose Vénus et Apollon et met en jeu l’Amour. Cavalli en tira un franc succès, la création de son septième ouvrage au Teatro San Cassiano de Venise à l’automne 1643 lui donnant enfin une reconnaissance dans toute l’Italie et jusqu’à Vienne.
Benjamin Lazar a choisi le décor unique d’un temple d’Apollon harmonieusement vieilli et monté sur une tournette pour camper le manège sentimental imaginé par le librettiste Giovanni Faustini. Il l’a fait avec son goût exquis habituel. Mais la gestuelle baroque parfois compassée corsète l’expression lyrique cependant que l’éclairage à la bougie, qui faisait la magie des tableaux à la Caravage d’Il Sant’ Alessio de Stefano Landi (Le Monde du 15 octobre 2007), dérobe ici les mouvements et les visages, laissant le spectateur solitaire et glacé dans la pénombre de l’oeuvre. L’ennui guette, que combattent avec une vaillance particulière les trois amoureux masculins (l’Egisto de Marc Mauillon en tête). Mais la Clori de Claire Lefilliâtre fait bien pâle figure tandis qu’Isabelle Druet campe une Climene vociférante et acidulée.
La fosse est en revanche un régal. La direction de Vincent Dumestre à la tête de son Poème Harmonique, tout de raffinement poétique, d’ardeur secrète, de vérité tragique, déploie les fastes expressifs et la vivacité des contrastes qui manquent cruellement sur le plateau. »

Muse baroque – « Déployez fièrement vos ailes légères, / Belles petites brises »

« Cet Egisto très attendu représente le dernier volet du triptyque entamé par Benjamin Lazar et Vincent Dumestre depuis le Bourgeois-gentilhomme et Cadmus et Hermione, et aborde le genre de l’opéra vénitien « Favola drammatica musicale » à travers une œuvre-phare de Cavalli qui connut un succès sans démenti depuis sa création en 1643, avec de nombreuses reprises à travers l’Italie (on restera désormais plus que prudent sur l’Egisto donné au Palais Royal en 1646 depuis les récentes découvertes de Barbara Nestola qui tendent à prouver qu’il s’agissait de Chi soffre speri de Virgilio Mazzocchi et Marco Marazzoli rebaptisé). C’est avec gourmandise que Benjamin Lazar s’empare du ce chassé-croisé amoureux riche en rebondissements et en interventions divines, pour en proposer une lecture théâtrale, nimbée de références picturales et architecturales, éminemment moderne et poétique.
Alors que le livret fait appel à des forêts, des paysages « en partie maritime », le « Bois des Myrtes d’Erebo » ou encore « une cour du palais d’Hipparco », Benjamin Lazar a opté pour l’unité de lieu grâce à une complexe architecture ruinée, dont la rotondité, les arches et l’appareillage de briques ne sont pas sans rappeler le Théâtre d’Eau de la Villa d’Hadrien. C’est sur cet espace circulaire, à deux étages, à moitié envahi par la végétation et qui tourne sur lui même de manière à varier les ambiances ou à accompagner la progression psychologique des personnages, que se meuvent les protagonistes. Le soin apporté à ce décor solitaire et sombre du à Adeline Caron, permet à cet espace unique d’être protéiforme et mystérieux, les 3 escaliers, et les 2 plates-formes n’étant parfois pas éloignés des gravures de Piranèse ou des utopies d’Escher. C’est donc ce labyrinthe décadent et asymétrique qui va permettre la diversité des niveaux grâce au jeu en duplex : les Dieux sur l’étage supérieur, les humains ou les Enfers en dessous, ou rendre crédible les changements fréquents de scène. On louera tout particulièrement la rotation du décor à l’acte 3 pendant la scène de folie d’Egisto, reflet de ses sens altérés. L’esthétique classicisante du décor – que n’aurait pas dédaigné un Hubert Robert – « habille » la modernité du concept, et les habitués des scènes d’Outre-Rhin ou du Théâtre de la Ville se souviendront sans nul doute de multiples mises en scène exploitant ces doubles étages.
Les costumes d’Alain Blanchot contribuent à un climat de clair-obscur magnifié par l’éclairage à la bougie de Christophe Naillet, qui brouille les contours dans un halo mordoré. En effet, les pourpoints et manches à crevés, de même que la tenue de bergère, semblent sortis d’un Seicento archaïsant, rappellent inconsciemment au spectateur les scènes puissantes du Caravage ou Artemisia Gentileschi ou les doux portraits de Raphaël. La gestuelle et les déplacements mêlent adroitement les codes baroques (personnages de face par exemple) et un certain naturel, au résultat moins hiératique et apprêté que dans la tragédie-lyrique.
Pour cette partition incroyablement mouvante, où les récitatifs, ariettes, airs, canzonettes se lient et se délient avec spontanéité, alors que les amours des hommes sont le jouet des divinités, Le Poème Harmonique a misé sur des effectifs modestes mais colorés, remisant les cuivres ou cornets pour l’humilité d’un petit théâtre vénitien, quoique l’abondance sensuelle des cordes pincées (harpe, archiluth, théorbes, guitare, colascione) rendant le continuo extrêmement ductile, ou quelques ajouts de flûtes langoureuses confèrent indiscutablement à l’orchestre un rôle non négligeable, variant les textures et les ambiances avec souplesse, taillant un accompagnement sur mesure chacun des artistes. De même, l’équipe vocale, très homogène et soudée, souffre certes de quelques soucis de prononciation italienne, mais affiche un investissement théâtral sans faille, doublé d’une sensibilité au recitar cantando tout à fait remarquable. On distinguera tout d’abord l’Egisto de Marc Mauillon, à la forte projection (explosant dans la scène de folie), au timbre grainé et chaleureux, tentant de reconquérir le cœur de la belle Clori mutine de Claire Lefilliâtre aux aigus lunaires, et aux ornements fins et virtuoses, traduisant la coquetterie du personnage versatile. Son rival Lidio échoit à Anders Dahlin (au costume bien proche de celui d’Egisto, ce qui n’est pas au départ sans conduire à une certaine confusion chez le spectateur), au chant noble et droit, un brin plus froid que celui de Marc Mauillon. Enfin, on notera la charmante Climene d’Isabelle Druet, très « française » dans ses choix interprétatifs, tandis que l’Apollon de David Tricou accusait une certaine méforme ce soir-là, avec une faible projection et des graves aplatis.
Comme vous l’avez compris, cet Egisto s’avère une incontestable réussite, de par l’intelligence de la mise en scène et son sens dramatique qui permet de saisir les multiples péripéties avec aisance et détachement, la beauté des tableaux rehaussée par celle de l’expressivité du chant. Pour faire la fine bouche, on regrettera simplement que la facette comique ne soit pas plus exploitée (mise à part la Dema travestie de Serge Goubioud surjouant avec jubilation une nourrice nymphomane proche de celle de Poppée), et une relative sobriété très épurée dans la mise en scène, qui nous interdit le bonheur des changements de perspectives à vue avec les châssis successifs qui s’escamotent ou se reconstituent, et les machineries merveilleuses, si consubstantielles de l’art théâtral baroque. M’enfin, on ne saurait résister à la « modernité » en pourpoint Renaissance illuminée à la lueur flageolante des bougies de cet Egisto bouillonnant qui lors de cette première a séduit le public par son intégrité et son apparente spontanéité qui s’épanche paradoxalement dans un cadre volontairement très strict. Et l’on attend avec impatience la suite de la collaboration Lazar / Dumestre, en priant les Dieux pour un seria bien caréné, un Ottone handélien par exemple… »

L’oeil et l’oreille

« Le régal de l’Egisto à l’Opéra-Comique, c’est la qualité de son, étoffé, délicieusement timbré et lyrique, que nous offre Vincent Dumestre avec son Poème Harmonique : un son présent, mais n’insistant pas, se projetant plus généreusement à l‘ouverture très belle du III, musicologique sans doute, mais toujours lyrique et chaleureux. Exemplaire, et justement applaudi. Ce n’est pas mince mérite à l’Opéra-Comique d’avoir réuni un groupe de chanteurs qui chantent dans le même style et même, autant qu’il se peut, dans la même qualité, le même esprit du son. Si on ajoute que la mise en scène de Benjamin Lazar insiste dans cette cohérence, fondant les éléments réunis, décor tournant allusif, costumes individualisés et seyants (mais avec style), en sorte que le geste, le visuel aussi, concourent à cette harmonie nocturne que flattent les éclairages, eh bien, on aura parlé d’un vrai petit miracle !
Mais toute chose ayant son défaut, c’est la simplicité même, l’économie (pourtant très méritoire) du dispositif unique qui ajoutent à la vraie faiblesse de la soirée : l’action embrouillée, que la continuité très remarquable de la musique, qui semble couler et tout enchaîner d’un seul trait, rend moins lisible encore, ne laissant pour ainsi dire pas le temps d’isoler mentalement chaque péripétie, et saisir ce qui y est en jeu. Cela fait en milieu de spectacle du dodelinement chez le spectateur même bien prévenu, et les millimètres Cavalli semblent changés en kilomètres. Impression qu’efface entièrement après la pause le spectaculaire troisième acte, où les personnages sont (enfin) mieux identifiés, où la très spectaculaire scène de la folie d’Egisto fait justement climax, après quoi la musique et le chant reprennent avec une grâce madrigaliste simplement irrésistible, en toute fin, avec trois personnages qui peu à peu s’éclipsent.
C’est pour l’ensemble admirablement chanté. Marc Mauillon (Egisto), quoiqu’un rien embarrassé par une tessiture et un timbre de baryton qui trouvent dans cette musique leurs limites (expressives ou de charme : certes pas de virtuosité verbale), cartonne à juste titre dans sa scène de folie, à vrai dire peu intéressante musicalement (on n’en ferait pas un solo à part, façon Lucia de Lammermoor !). Plus avantagé est le chant de chic et de charme d’Anders J. Dahlin (Lidio), à qui échoit sans doute le plus lyrique, le plus élégiaque et délicat de la partition, qu’il chante avec un goût courtois épuré, délicieux. Cyril Auvity (Hipparco), en retrait scéniquement, est l’excellence même, en timbre, en tenue, en ligne.
Ces dames, joyeusement malmenées par le livret, sont brillantes, pas toujours différenciées, Claire Lefilliâtre (Clori) se voyant d’entrée de jeu embarquée avec Dahlin dans un des plus enivrants duo de coquetage amoureux, gourmand et courtois, qu’on puisse imaginer. Il y a plus de rigidité dans la Climène, plus prude, d’Isabelle Druet.
Les comparses, divinités secondaires, amantes illustres (Didon, Voluptia etc.) appelées à témoigner, complètent fort bien un ensemble exemplairement harmonisé et uni.
Le plaisir pris à ce Cavalli a eu ses temps de tiédeur, et même longueurs, on a sursauté d’allégresse en croyant y entendre une réminiscence anticipée du duo de Fierrabras (tant la courtoisie est musicalement présente), mais ce plaisir fut à ses meilleurs moments extrême. »

Webthea

« … Restait à retrouver la « favola drammatica musicale » originale de l’Egiste de Cavalli, cette suite de jeux amoureux imaginés par le librettiste Giovanni Faustini où Apollon et Vénus, dieux facétieux, chargent Cupidon-Amour leur envoyé spécial, de mettre sens dessus dessous les sentiments de deux couples d’amoureux. Où Clori unie à Egisto le laisse tomber pour s’amouracher de Lidio qui à son tour envoie balader Climène, première femme de son cœur. Pour pimenter le tout Climène a un frère, Hipparco qui en pince également pour Clori. Au paradis, les dieux s’en amusent, dans les enfers les diablesses s’en régalent. Tout s’arrangera. Chacun trouvera sa chacune, sur terre et dans les cieux.
Pour figurer les entre-deux mondes, Benjamin Lazar et Adeline Caron, sa décoratrice, ont imaginé une sorte de ruine étagée à la Piranèse où les colonnes de briques rouges étoffées d’ornements en stuc pivotent sur une tournette installée au milieu de la scène. L’éclairage à la bougie, marque de fabrique du metteur en scène, devient mouvant et perd de son efficacité. Les chanteurs, prisonniers des labyrinthes à colonnes, s’y faufilent le plus souvent dans l’ombre, et, quand ils apparaissent leurs positions, régies par une gestique baroque hors ballet et sans réelle justification chorégraphique, en deviennent inutilement affectées. Leur automatisme finit par engendrer un vertige de lassitude. Comme si la mode « à l’ancienne », avec son éclairage à petites flammes et ses gestes codés, avait fait son temps. Les chanteurs pourtant ne déméritent pas même s’ils sont de niveaux inégaux. La Clori de la soprano Claire Lefilliâtre émet des aigus diaphanes tandis que la Climène d’Isabelle Druet pousse des sons rageurs, Amour-Cupidon a la grâce d’Ana Quintans, le corps aussi flexible que le timbre.
En Egiste victime et rebelle le baryton Marc Mauillon, spécialiste subtil des musiques anciennes, se livre à un véritable numéro de bravoure, présence illuminée dans la folie, diction perlée, et chant habité. C’est lui qui rompt la torpeur ambiante. Tout comme, dans la fosse, sous la direction fervente et raffinée de Vincent Dumestre, les flûtes malicieuses, les violons et basse de viole, les deux clavecins, les théorbes, lirone, harpe et contrebasse font vibrer une musique faite de délicatesse. En osmose parfaite avec Cavalli et sa Venise. »

Culturopoing.com

« Composé en 1643, Egisto aurait été le pari de deux artistes, Cavalli lui-même et son librettiste Giovanni Faustini, pour sauver le Teatro San Cassiano de Venise. Pari réussi, puisque la favola drammatica s’impose comme une référence du seicento vénitien non seulement en Italie mais aussi à Vienne, capitale impériale. On assiste, peut-être pour la première fois, à la construction d’un récit qui mêle comédie et drame avec une économie de moyens surprenante et pourtant efficace. Ancien élève de Monteverdi dont il se distingue entre autres par l’utilisation de la basse continue, Cavalli devient, de fait, un des plus prolifiques auteurs baroques. Son rayonnement l’amène jusqu’à la cour de Louis XIV, sans oublier son influence capitale sur Lully, Hasse, Manelli et la mise en place des codes de l’opéra.
Le prologue, dévoué aux forces de la nature, marque le départ de la Nuit pour laisser place à l’Aurore qui s’étend sur l’île de Zacinto, à l’époque, une possession vénitienne – ce qui marque d’emblée le contexte politique, avec la Cité des Doges comme centre d’un monde où vont se croiser, dans le décor unique d’Adeline Caron, les dieux et les hommes. C’est ici qu’Egisto et Climene reviennent après une longue captivité. Ils avaient été enlevés par des pirates et s’apprêtent à retrouver leurs amoureux respectifs, Clori et Lidio.
Mais l’action débute par les serments de Clori et Lidio qui, en l’absence des deux premiers, sont tombés amoureux. Le premier coup de théâtre provient donc de la révélation : Egisto, puis Climene, comprennent que leurs amants respectifs leur ont été infidèles. Il s’agira pour eux de reconquérir l’amour de la volage Clori et le froid Lidio. Il faut ajouter à ce carré amoureux la présence d’Hipparco, le frère de Climene, amoureux de Clori, et Dema, sa fascinante et désabusée nourrice.
Egisto est une œuvre séminale car elle permet de codifier le spectacle d’Opéra tel que nous le connaissons. Destiné initialement à la noblesse vénitienne, l’opéra deviendra ensuite un art profane, une représentation publique, payante, et adopte de fait des formes populaires au goût de l’époque. Les duos passionnés, les formes de lamento que la voix d’Isabelle Druet en Climene réussit avec une force particulière, la vision souvent parodique de la divinité en constituent la force de l’œuvre. L’action mêle la mythologie la plus sérieuse à un drame empli de rebondissements, où on n’oublie pourtant pas de faire allusion à la situation politique de l’époque. La Cité des Doges est indirectement magnifiée, et devient le lieu où les déités s’affrontent.
Le décor unique et tournant, éclairé en grande partie à la bougie et qui préfigure des ruines romantiques, permet de montrer les rapports complexes entre le haut et le bas, ainsi que le travail chromatique sur les costumes d’Alain Blanchot. La sobriété d’un dispositif pourtant inépuisable et surprenant distingue le monde des hommes, qui cherchent à reconquérir les passions, et les dieux, qui sont, de fait, les causes même de la passion. Le décor obéit à la fois à des principes d’équilibre apollinien : n’oublions pas qu’Egisto est le petit-fils d’Apollon, et c’est à cause de cette parenté que Vénus, ennemie farouche de Phoebus, punira Egisto en le séparant de Clori. Vénus, accompagnée de Beauté et Volupté, fait appel à Cupidon, l’Amour, pour appeler une Furie en enfer, afin de tourmenter le héros.
L’amour, dans Egisto, est une invention des dieux – le moyen de contrôler les humains qui deviennent les instruments des querelles des immortels. L’espiègle Cupidon (Ana Quintans), habillé en clair, rappelle le Regard rouge de Schönberg, pour signifier son aveuglement. Pris au piège en enfer, il est menacé par Didon, Hero et Phèdre, trois grandes suicidées de l’amour. Elles veulent se venger de leurs propres peines, et éliminer le peureux enfant terrible. C’est alors qu’Apollon va sauver Cupidon… à condition de ramener la belle et volage Clori aux côtés d’Egisto, et le cruel Lidio auprès de sa Climene.
Mais le grand moment d’intensité virtuose de l’œuvre arrive lorsque Egisto devient fou ; il a des visions et se prend pour Orphée, légendaire amant tragique. Invoquant son Eurydice (« rendeteme Euridice »), les tirades d’Egisto, dans le non-sens de son errance furieuse, montrent la puissance et la maîtrise de la tessiture de Marc Mouillon, à laquelle répond la grâce de Claire Lefilliâtre en Clori, qui revient enfin en amour pour son ancien amant.
« Fuyez cette sérénité qui ne promet que des tempêtes » – ravi, donc, le spectateur, par la qualité de ce spectacle pourrait fuir l’aveugle Cupidon, mais non pas s’empêcher de succomber à ce remarquable travail de Dumestre et Lazar. Si l’amour est à réinventer, comme disait Rimbaud, Cavalli se découvre ici comme un des grands compositeurs des passions infortunées et de la plus lumineuse musique. »

Altamusica – Egisto dans la pénombre

« L’opéra vénitien, Vincent Dumestre et Benjamin Lazar en ont exploré les causes, de Florence à Rome, et les conséquences, avec Cadmus et Hermione de Lully. La création française d’Egisto de Cavalli promettait donc un émerveillement garanti d’époque. Chanteurs et metteur en scène n’en ratent pas moins leur rencontre attendue avec l’idiome du dramma per musica.
Faire enfin se rencontrer les Français et Cavalli. Telle est la mission que se sont assignée Vincent Dumestre et Benjamin Lazar. D’autant plus délicate, eu égard à l’histoire de la représentation, que c’est à Paris que le compositeur a connu ses premiers échecs.
Non pas celui de cet Egisto, dont une découverte récente a montré qu’il n’était pas, comme on l’a longtemps cru, l’opéra représenté en février 1646 au Palais-Cardinal. Mais de Xerse, créé à Venise en 1654, remanié à la hâte pour les noces de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Espagne, et représenté au Louvre le 22 novembre 1660. Et surtout d’Ercole amante, commandé par Mazarin pour le susdit mariage, qui inaugura enfin la salle des Machines des Tuileries le 7 février 1662 – le cardinal était mort un an avant…
Au siècle dernier même, la France, et surtout Paris, sont demeurés en marge de la Cavalli Renaissance initiée par Raymond Leppard. Quelques représentations ou versions de concert éparses ont abouti à la création au Théâtre des Champs–Élysées de la Calisto, aussi tard qu’en mai 2010, et dans une production sans éclat de Macha Makeïeff. En attendant la Didone sur la même scène en avril prochain, Egisto a-t-il conquis Paris ? Oui, à en croire le triomphe réservé à la troupe du Poème Harmonique par le public conquis d’avance de l’Opéra Comique. Et pourtant…
Benjamin Lazar, auquel on ne fera pas le mauvais procès d’appliquer à la favola drammatica musicale de Giovanni Faustini les codes de la tragédie lyrique, ne parvient pas à revivifier son langage, qui se borne à une gestuelle a minima, esquissée par des chanteurs qui ne reprennent que subrepticement leurs poses baroques ou assimilées pour désigner le ciel, la terre, l’onde ou les Enfers – de ce point de vue, le Sant’Alessio de Landi était plus abouti.
Et puis, s’il abandonne les toiles peintes, châssis symétriques, et perspectives qui tournent court faute de moyens, il se prend au piège d’un plateau tournant couvert de deux niveaux de ruines labyrinthiques, qui contraignent le jeu à l’avant-scène – comment faire autrement quand les bougies entretiennent une semi pénombre, il est vrai propice à la confusion amoureuse ?
Mais ce qui manque avant tout à ce théâtre où l’on s’effleure lorsque le livret enfonce crûment le clou, c’est une distance ironique, de la fantaisie, de l’audace, cette irrévérence qui fait le sel du genre, et qui le mènera à sa perte, quand les doctes académiciens de l’Arcadie s’emploieront à y remettre de l’ordre.
Voyez cette scène où Amour est poursuivi par ses victimes, Didon, Sémélé, Phèdre, j’en passe et des mégères, qui se disputent sur le meilleur moyen de se venger. Sans une once de second degré. Ou encore la vieille nourrice Dema, triste comme un jour sans pain – à peine si l’on remarque qu’elle dévoile sa poitrine décharnée… Où est, miroir de la pastorale dramatique, la comédie fantasque que promettait Vincent Dumestre ?
Pas tout à fait dans la fosse non plus. Quelle luxuriance obtient le chef théorbiste d’un ensemble à peine plus étoffé que ce que permettait l’exiguïté, l’économie des théâtres vénitiens ! Mais les combinaisons instrumentales, les alliages de timbres semblent privilégier les harmoniques graves, et partant fondent la palette extraordinairement mobile de Cavalli, qui ne cessera, dans ses œuvres suivantes, d’accentuer les contrastes, dans un continuum sonore capiteux. La diversité des formes, qui, du récitatif à l’air, en passant par la mezz’aria ou la canzonetta, se cherchent certes une autonomie à ce stade de l’évolution du dramma per musica, s’en trouve aplanie.
Sur le strict plan vocal, le plateau laisse circonspect. Parmi les divines et allégoriques utilités se détachent la pulpe de Caroline Meng (Hero et Bellezza), l’Apollo élancé de David Tricou, et le bel Amore, doux et piquant – ainsi frappent ses flèches – d’Ana Quintans. Hipparco flatte le registre inférieur délicatement assombri de Cyril Auvity, qu’il pousse tout de même un peu trop bas dans ses retranchements.
Anders J. Dahlin est dans Lidio d’une étonnante facilité, plus à l’aise en tout cas que dans les emplois de haute-contre à la française qui exigent une étoffe que ne possèdent pas ces registres mixés avec une pointe de narcissisme évanescent. Rien à attendre de Claire Lefilliâtre, sèche, droite, inconsistante. Mais qu’est-il arrivé à Isabelle Druet, qui passe la soirée à courir après son timbre, une assise, la justesse même ?
Nous avons cependant assez souvent pesté sur les interprètes trop soucieux de leur instrument dans ce répertoire pour ne pas nous arrêter à l’orthodoxie du chant – quoique le soin de l’intonation ne soit pas en option. Va pour des comédiens qui chantent, plus que des chanteurs qui jouent la comédie. Car il faut du texte, clamé haut et clair. Mais dans un italien aux voyelles moins plates et vertes, qui en perd toutes ses couleurs, et les séductions de son idiome poétique.
Il faut de l’expression, surtout. Et là le bât blesse davantage encore. Pour un Anders J. Dahlin idéal de frivolité, d’inconstance, peut-on se satisfaire d’une Clori – Claire Lefilliâtre – comme indifférente ou constamment effarée, et d’une Climene – Isabelle Druet – en quête désespérée de son personnage, au moins autant que de sa voix ?
L’Egisto de Marc Mauillon est le seul qui, par-delà toutes les réserves techniques qui valent aussi pour lui, impose une vraie présence. Plus qu’un morceau de bravoure, ses scènes de folie sont une épreuve de vérité, constamment sur le fil de la parole et du chant – recitar cantando –, éloquent jusque dans l’excès, en un mot, habité. On n’en attendait pas moins de cet Egisto. Les Français du Poème Harmonique ont-ils pour autant rencontré Cavalli ? »

ConcertoNet

« Dans son ouvrage consacré à Cavalli et l’opéra vénitien au XVIIe siècle (1931), Henry Prunières estimait que «dans l’histoire de la musique, la belle période de l’opéra vénitien s’intercale entre celle de l’opéra romain qui triomphe au début du XVIIe siècle et celle de l’opéra napolitain qui brille d’un vif éclat dès le début du XVIIIe siècle». Force est en effet de constater que cette époque a vu éclore un certain nombre de chefs-d’œuvre dont la floraison a été favorisée par la prospérité dont jouissait alors la Sérénissime: la construction de théâtres et la rivalité entre grandes familles patriciennes (au premier rang desquelles les fameux Tron et Grimani) ont créé un terrain fertile qui a suscité une émulation sans pareille à travers toute l’Europe. Même si Monteverdi quitte peu à peu la scène (il meurt en 1643 après deux ultimes sommets que furent Il ritorno d’Ulisse in patria en 1640 et L’incoronazione di Poppea en 1642), la relève existe puisqu’il se voit très rapidement concurrencé par les drames lyriques signés Stefano Landi (Il Sant’Alessio en 1631), Vicenzo Nolfi (Bellerofonte en 1642), Niccolo Bartolini (Venere gelosa en 1643) et, donc, Cavalli.
Etrange destin que celui de Pier Francesco Cavalli (1602-1676), né Francesco Caletto. Fils d’un modeste organiste de la ville de Créma, il fait, dès sa jeunesse, montre de talents indéniables pour la musique ce qui pousse le gouverneur de Créma, Frederigo Cavalli, à le prendre sous sa protection et à l’envoyer à Venise où il devient chantre et apprend l’orgue à son tour. Prenant le nom de son protecteur, Cavalli compose rapidement ses premiers ouvrages lyriques, dès 1639. Réputé comme portant peu d’attention aux livrets et à leur vraisemblance, Francesco Cavalli connaît une forte déconvenue en France lorsque, invité par Mazarin à composer une pièce pour le mariage de Louis XIV et de l’infante Marie-Thérèse, il constate que le public lui préfère les ouvertures d’un certain Lully. Il retourne alors définitivement en Italie où il s’éteindra en 1676.
Egisto (1643) a eu la réputation d’avoir été le premier opéra de Cavalli représenté à Paris. En vérité, il n’en est rien, l’Egisto auquel il a longtemps été fait référence étant en vérité de la plume de Mazzocchi et Marazzoli. Favola drammatica musicale en un prologue et trois actes, cet opéra est fondé sur un livret du poète Giovanni Faustini (1615-1651) et narre les intrigues amoureuses entre humains (Clori aime Egisto mais trompe celui-ci avec Lidio tandis que ce dernier délaisse Climene, laquelle lui était promise, tandis qu’Hipparco, frère de Climene, est également amoureux de Clori), fort complexes, auxquelles prennent part les dieux, à commencer par Vénus et Apollon. Après une scène d’anthologie où Egisto, en proie à de furieuses hallucinations, sombre dans la folie jusqu’à ce qu’Apollon lui rende la raison, l’opéra se conclut par les amours retrouvées d’Egisto et Clori d’une part, de Climene et Lidio d’autre part, Hipparco (grand cœur) renonçant à son ancienne passion pour Clori.
On attendait beaucoup de ces retrouvailles entre Vincent Dumestre et Benjamin Lazar qui avaient notamment signé un légendaire Bourgeois gentilhomme, et, à l’Opéra Comique, un triomphal Cadmus et Hermione de Lully en janvier 2008, d’ailleurs repris à la fin de l’année 2010. Peut-être en attendait-on trop…
Sur le plan musical, que doit-on admirer en premier lieu? L’orchestre, évidemment. Les musiciens du Poème harmonique sont exceptionnels dans leur maîtrise de cette partition qui s’avère quelque peu aride, avare de toute ornementation inutile. Dirigés par un Vincent Dumestre qui, ce faisant, n’hésite pas à payer de sa personne en tenant lui-même la partie de théorbe, ils illustrent parfaitement les amours ardentes qui innervent l’intrigue (les deux flûtes dès le Prologue ou l’air de Clori à la scène 7 de l’acte I, lorsque les violons miment le climat de l’air «Amour, qui t’a donné des ailes»). Les cordes pleurent avec Climene lorsqu’elle se lamente (à juste titre sur son amour perdu et sa triste condition) à la scène 6 de l’acte II («Ah impie, ah ingrat») mais elles savent également se montrer criardes, grimaçantes, grinçantes lorsqu’elles accompagnent l’intervention de la terrible Dema, vieille femme qui sait rappeler à qui veut l’entendre que la beauté ne fait que passer et que l’amour peut se mal finir (l’air «Tu le regretteras, crois-moi», scène 8 de l’acte II). Bref, on est subjugué par la variété des climats ainsi rendus qui contribuent à rendre, sinon crédible, du moins logique la trame de cette histoire fort complexe.
Les chanteurs savent également s’impliquer dans ces personnages qui apparaissent tantôt falots (Climene), tantôt véhéments (Egisto), parfois ridicules (Amour). On commencera bien évidemment par la prestation de Marc Mauillon, excellent Egisto dès ses premières interventions (notamment dans un magnifique duo avec Climene «Vengeance, Amour, Vengeance» à la scène 3 de l’acte I). Plusieurs passages sont à marquer d’une pierre blanche: citons-en deux seulement. L’air qu’il chante au début de l’acte II («Je fuis l’accueil généreux») est une sorte de révolte de la part d’Egisto contre sa situation d’infortuné: alors que sa voix aurait pu exploser de colère dans le passage «Le nœud est brisé et l’ardeur éteinte» («Rotto ha il nodo»), il n’en est rien et, bien au contraire, celle-ci cède avec abnégation, Marc Mauillon retenant quelques mots l’espace d’une seconde et tirant alors les larmes de chaque spectateur. De même, comment passer sous silence cette scène de folie où Egisto pense être destiné aux Enfers? Mauillon fait alors montre de talents de comédien indéniables qui en font le véritable héros de cette soirée. Anders J. Dahlin tient vaillamment le rôle de Lidio,, que ce soit dans son duo avec Clori (scène 2 de l’acte I) où tous deux célèbrent leur amour, ou dans ses répliques terribles où il lance à Climene «Tu connais bien, Climene, l’ancien adage commun: Autres temps, autres soucis» (scène 5 de l’acte II), même s’il force parfois un peu sa voix. Dans le rôle d’Hipparco, Cyril Auvity est également à son meilleur, notamment dans une superbe scène à l’acte II (scène 7).
Parmi les personnages féminins, Isabelle Druet domine l’ensemble de la distribution dans le rôle de Climene même si son personnage s’avère parfois falot. Dotée d’une voix d’une grande souplesse, elle témoigne également une technique très sûre, notamment dans des attaques bien souvent périlleuses. Claire Lefilliâtre, qui incarne Clori, semble moins à l’aise que sa consœur même si elle offre au public quelques passages parmi les plus séduisants. Outre son grand air à la scène 7 de l’acte I («Amour, qui t’a donné des ailes»), elle joue parfaitement la comédie lorsque, pour rendre Egisto jaloux, elle feint de ne pas le reconnaître alors que celui-ci lui déclare son amour (acte II, scène 2).
Dans les rôles secondaires, on remarque surtout Serge Goubioud qui tient avec beaucoup de vérité le rôle de Dema, sorte de duègne moralisatrice, caution humoristique de l’opéra. Dans les rôles de la Beauté et de la Volupté, Caroline Meng et Luciana Mancini offrent un magnifique duo à la scène 8 de l’acte I, ridicules par leur prétention à séduire à qui mieux mieux. Si David Tricou manque de charisme dans le rôle d’Apollon et Ana Quitans de sûreté dans l’émission dans le rôle pourtant crucial de Cupidon (Amour), Mariana Flores fait de nouveau preuve de ses talents dans les petits rôles de Semele et de Cinea; elle est incontestablement une voix qu’il convient de suivre même si ses prestations ont déjà pu être soulignées, notamment dans certaines pièces d’Antonio Vivaldi.
Le metteur en scène Benjamin Lazar a choisi de planter l’action dans un décor unique et multiple à la fois: une ruine romaine, sur deux étages, où alternent murs en briques et colonnes, qui, placée sur une scène tournante, permet ainsi d’offrir plusieurs visages au public. Evidemment, l’éclairage se fait à la bougie, plongeant d’ailleurs la scène dans une semi obscurité certes magique mais qui rend parfois la vision (et la distinction) des personnages extrêmement difficiles, les flammes vacillantes symbolisant à dessein l’amour qui sert de fil conducteur à toute l’histoire. Les chanteurs n’évoluent que trop peu sur scène et c’est dommage: leurs attitudes sont assez peu diversifiées et ne servent guère le discours musical. Cette sobriété extrême (sauf peut-être dans les costumes qui allient quelques couleurs chamarrées) s’avère finalement regrettable. Non seulement elle amoindrit la magie potentielle du spectacle mais elle est peut-être même en contradiction avec ce que souhaitait être l’opéra aux alentours des années 1640. Comme l’explique avec force détails Hélène Leclerc dans son indispensable ouvrage Venise baroque et l’opéra, les théâtres de l’époque donnaient une très grande importance à la variété des décors et à la machinerie, notamment sous l’influence du grand Torelli. Comme quoi la fidélité historique peut peut-être aller encore plus loin.
Pour autant, voici un grand spectacle qui permettra aux amateurs de redécouvrir, au travers de cet opéra, tout un pan de l’histoire de la musique. Concluons enfin ce commentaire par deux louanges adressées à l’Opéra Comique tant pour l’audace de ce spectacle que pour l’excellence du dossier pédagogique accessible sur son site et l’exhaustivité du programme en vente lors des représentations. Ce sont malheureusement deux choses suffisamment rares pour mériter d’être amplement soulignées ! »

L’Atelier du chanteur

Les bougies éclairent un efficace décor tournant : une tour ruinée constituée d’arches et de deux niveaux qui offre de multiples perspectives et possibilités de circulation, ainsi que des déplacements intelligemment synchronisés avec le mouvement tournant de l’ensemble.
Côté orchestre, Vincent Dumestre s’est inspiré de l’effectif imaginable dans le petit théâtre de San Cassiano. On regrette la somptuosité orchestrale et la variété des choix de René Jacobs, partisan d’un enrichissement plus radical de la basse continue. L’oeuvre est cependant fondée sur son splendide livret, ses affects et ses personnages. Quand les chanteurs qui les incarnent sont intenses, l’orchestre les soutient bien suffisamment. Certaines scènes avec des personnages secondaires semblent par contre plus fades, ainsi celle réunissant Vénus et l’Amour. Fade aussi ces éternelles poses de bras issues d’une gestuelle baroque mal digérée.
Cet Amour retrouve tout son piquant dans sa désopilante scène aux Enfers, où le fruité vocal d’Ana Quintans fait merveille. On retrouve la vitalité provocante de la Calisto de Genève, si platement édulcorée deux semaines plus tard à Paris. Marc Mauillon semble d’abord un peu en retrait, mais c’est pour mieux exploser dans ses deux scènes de folie, taillées à la mesure de son tempérament dramatique. Sa scène avec Clori est également superbe.
Une fois acceptée l’émission droite et parfois tendue de Claire Lefilliâtre, elle sonne de manière profondément juste et indissociable de ce répertoire. Isabelle Druet chante bien (notamment sa plainte du deuxième acte) mais surprend par son timbre devenu étrangement générique, peut-être pour gagner en solidité vocale dans des rôles plus sopranisants? En début de soirée, ses passages en poitrine sont un peu rudes.
Cyril Auvity est comme toujours excellent et convaincant. Anders Dahlin peine à maîtriser une tessiture plus aiguë que celle d’Hipparco, reliant mal son fausset à sa voix pleine ou ne l’acceptant pas franchement. Serge Goubioud a de même une émission très directe, un peu serrée et appuyée dans le rôle sérieux de la Nuit, mais en habitué des rôles de nourrice, il excelle ensuite en Dema. Son grand air de l’acte II est rendu d’autant plus entraînant par le traitement orchestral de la basse. On se demande pourquoi Vincent Dumestre n’a pas étendu ce type de traitement à d’autres numéros – sans aller jusqu’à en abuser comme Christina Pluhar, il doit y avoir un juste milieu ! »

Télérama – “Egisto”, l’amour bouleversé et bouleversant

« Successeur à Venise de Monteverdi, dont il avait été d’abord l’élève, puis le collaborateur, Francesco Cavalli n’est pas un inconnu. Ses opéras – les premiers en Italie, au milieu du XVIIe siècle, à être joués dans des théâtres publics payants, et non dans des palais princiers – sont remontés : La Calisto, l’un des plus célèbres, était à l’affiche du Théâtre des Champs Elysées, au printemps 2010. Pourtant, on ressort de l’Opéra Comique, où se donne Egisto, l’un de ses premiers chefs-d’œuvre, avec l’impression de découvrir un compositeur dont on n’avait encore jamais mesuré toute l’efficacité théâtrale, le sens poétique de la déclamation, ni l’expressivité musicale. Cela tient à la « magie Favart » dans le répertoire baroque – salle malcommode côté public, mais idéale, côté interprètes, par son intimité et son acoustique. Cela tient plus encore au talent du tandem Vincent Dumestre-Benjamin Lazar, qui réédite le coup de maître du Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet des deux Baptiste, Molière et Lully, et de Cadmus et Hermione, première tragédie lyrique du Florentin. Fidèles à leur démarche – alliance si singulière de rigueur savante et de fantaisie onirique – chef et metteur en scène renchérissent, de spectacle en spectacle, sur l’habileté scénographique, et la faconde instrumentale.
L’intrigue savamment tissée par Giovanni Faustini, librettiste attitré de Cavalli, évoque celle du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare – vicissitudes et tribulations de couples d’amants séparés, et mal recomposés. Enlevés par des pirates, Egisto et Climène découvrent à leur retour qu’ils sont trahis : promise à Egisto, la froide Clori se laisse courtiser par Lidio (le bien-nommé, en français !) qui, lui-même, abandonne cyniquement Climène. Outre la tentative de suicide de Climène, et la plongée d’Egisto dans la folie la plus noire, il faut l’intervention d’Apollon, lointain parent d’Egisto, pour que les illusions se dissipent, et que les couples se reforment selon la configuration initiale.
Laissée à l’état de sténographie dans les partitions d’origine, la musique de Cavalli veille à réparer les dommages sentimentaux, en offrant aux amants éconduits les joyaux les plus précieux de la partition : des « lamenti » d’une émotion bouleversante. La production de Favart les confie à deux jeunes chanteurs qui s’y révèlent prodigieux : le baryton Marc Mauillon, Egisto hagard, dont on n’oubliera pas de sitôt les plaintes hallucinées, lorsque, se croyant en enfer et se prenant pour Orphée, il implore qu’on lui rende Eurydice. Amante bafouée, plus tendre que vindicative, la Climène pathétique d’Isabelle Druet n’inspire pas moins de compassion.
Dans la fosse, le Poème Harmonique, que dirige, théorbe en bandoulière, un Vincent Dumestre plus libre et plus inspiré que jamais, accorde ses couleurs ambrées à l’éclairage aux bougies des décors, lueurs vacillantes comme la raison ébranlée par le désespoir amoureux. Egisto, un opéra sur l’amour et la folie ? Mieux, un opéra à aimer à la folie. »

Les Échos – Belle fable vénitienne

« Il était le compositeur d’opéra le plus connu du second XVII e siècle. Mazarin fit appel à lui pour rehausser de sa musique le faste des noces de Louis XIV et de Marie-Thérèse. Malgré cette renommée européenne, Francesco Cavalli (1602-1676) reste méconnu aujourd’hui, souvent éclipsé par celui qui fut son maître à Venise, Claudio Monteverdi. Pourtant il ne reste que trois opéras du second contre une trentaine du premier, qui ne demande qu’à être redécouverts. Pour quelques « Calisto », « Giasone » ou « Didone » (en avril prochain au théâtre des Champs-Elysées) représentés et enregistrés, bien d’autres restent muets, faute d’édition musicale. Aussi cette nouvelle production d’« Egisto », confiée aux mains expertes de Vincent Dumestre et Benjamin Lazar, fait-elle événement.
De l’opéra vénitien du XVII e siècle, l’oeuvre en conserve les principaux caractères : l’intrigue principale, sentimentale et tragique, se voit ainsi bousculée par des interventions comiques incongrues. Les couples Egisto-Clori et Lidio-Climene ont en effet été séparés par des pirates puis recomposés dans le désordre par pur caprice des dieux.
Egisto, qui n’a rien de commun avec l’Egisthe des Atrides, est protégé par son aïeul Apollon en conflit avec Vénus. Cette dernière dépêche alors son fils Amour pour jeter Clori dans les bras de Lidio. En découvrant cette trahison, Egisto sombre dans la folie. Malgré une fin heureuse, le livret étonne aujourd’hui encore par les rapports conflictuels entre les personnages (l’infidèle Lidio affirme à Climene ne jamais rien lui avoir promis) et la promotion résolue de l’amour libre (la vieille Dema soutient que ce serait « une grand bêtise de ne s’offrir qu’à un seul »).
Fidèle à ses principes esthétiques qui ont bâti sa juste réputation, Benjamin Lazar plonge l’Opéra-Comique dans une demi-pénombre par un éclairage exclusif à la bougie. Cette histoire, ouverte par une longue tirade de la Nuit appelant ses troupes à contrer le Soleil, le justifie. Un décor unique et rotatif, ruine d’une architecture antique (romaine ?) gagnée par la végétation, concentre les différents lieux demandés par le livret. Si cette tournette ne renouvelle pas le regard du spectateur censé voyager d’une forêt à des palais en passant par l’Enfer, elle signifie très habilement la ronde des sentiments. On pense à Max Ophuls centrant sa formidable adaptation de la pièce de Schnitzler sur un manège. La ressemblance des costumes masculins (Egisto, Lidio, Hipparco le frère de Climene amoureux de Clori) entretient la confusion et facilite les échanges.
Malgré une affiche prometteuse, les voix, en ce soir de première, ne se sont pas toutes montrées à la hauteur de leur réputation. Il faut reconnaître que la partition les met à nu et ne leur apporte qu’un faible soutien. Gageons que les représentations suivantes en assureront l’homogénéité. On retiendra néanmoins l’Egisto douloureux de Marc Mauillon, aussi émouvant dans la plainte amoureuse qu’impressionnant dans la folie. Vincent Dumestre dirige avec tact et subtilité cette fable musicale. Son Poème Harmonique se montre prodigue de couleurs malgré le quasi-monopole des cordes et participe grandement au succès de l’entreprise. »

ResMusica – Egisto à l’Opéra Comique, puissant et accompli

« Exprimons d’emblée une grande joie : on sort de l’Opéra-Comique avec la certitude d’avoir découvert, à la scène, un des plus puissants opéras de seicento.
Dans cet Egisto créé à Venise la même année qu’Il ritorno d’Ulisse in patria, le livret de Giovanni Faustini y a sa belle part. Comme dans le théâtre de Corneille, Racine ou Marivaux, surgissent, au détour d’une réplique, des phrases dont l’acuité suggère qu’elles ont été inventées à l’instant. On y savoure un raffinement littéraire et poétique, où, simultanément, s’entrelacent tous les degrés de sens, du poignant à l’ironique. Dans une rigoureuse construction dramaturgique, ce livret est truffé d’intertextualités, où, parmi un flot de références dont la plupart échappe à notre présent, se glisse une fine allusion à l’Orfeo monteverdien : lorsque, fou de chagrin, Egisto délire, il en appelle à Euridice et à Orfeo. Puisqu’il est question de Monteverdi, rappelons que Cavalli participa , avec le dramaturge Busenello, à l’atelier qui, fabriqua L’incoronazione di Poppea ; et n’oublions pas que, à cinq reprises, Cavalli et Busenello œuvrèrent ensemble. À ce propos, la vieille Nema qui, dans Egisto, chante les vertus de l’infidélité et de la polygamie, semble la sœur d’Arnalta. En outre, dans L’incoronazione di Poppea et dans Egisto, sont vantées les amours inconstantes ; dans le premier cas, la politique et l’ambition en sont le moteur, dans le second, la cause en est la versatilité humaine, que les dieux, cyniques et imbéciles, manipulent. Un symptome de cette versatilité est la folie : comme le nez dans la nouvelle de Gogol (et dans l’opéra de Chostakovich), la folie passe d’un personnage à l’autre, même si Egisto en est l’hôte le plus fréquent. Folie véritable (Vera pazza) ou folie feinte, déguisée (Finta pazza, tel est le titre d’un opéra de Sacrati, fameux à cette époque), elle plane, facétieuse et incernable, au-dessus de tout cet opéra.
Quant à la partition, elle surabonde de trésors. Le mot, en son prononcé et en sa déclamation, est l’alpha, le lambda et l’omega de chaque réplique ; la variété de cette écriture récitative est confondante. Dans les arie et dans quelques duetti, des mélodies capiteuses, dignes de Luigi Rossi, envoutent les chanteurs – ébahis de porter un si beau matériau – et laissent les auditeurs pantois. Quant à la part instrumentale, elle distille certes des échos d’Il combattimento di Tancredi e Clorinda, du Huitième livre de madrigaux et de L’incoronazione di Poppea ; mais, surtout, Cavalli a exprimé une irrépressible pulsion de vie et une virtuose écriture rythmique.
En 1993, à peine gagné le perron du Théâtre royal de la Monnaie, le spectateur savait qu’il avait assisté à une production fondatrice de La Calisto, celle que René Jacobs et Herbert Wernicke avaient concoctée. Cette production d’Egisto se situe-t-elle dans ce sillage ? Pas totalement.
Il n’est assurément rien à redire à ce que Benjamin Lazar poursuive sa démarche, assurément authentique, à l’égard du théâtre baroque. Tout simplement, parce qu’elle séduit : son éclairage à la bougie change l’intensité et la profondeur de notre regard, il modifie notre relation à la perspective ; enfin, tout amateur de peinture baroque jubile de retrouver, sur scène, un intime écho visuel aux tableaux de son cœur. La difficulté principale tient à un choix que Benjamin Lazar promeut depuis ses récentes productions, à commencer par Cachafaz, l’opéra d’Oscar Strasnoy, sur un livret de Copi, vu en décembre 2010, dans ce même Opéra-Comique : le décor – également conçu par Adeline Caron – est esthétiquement réussi mais limite les libertés d’action scénique.
Ce décor est une tournette à deux niveaux : ce cercle d’environ six mètres de diamètre porte une ruine architecturale, faite de colonnes étêtées ou de voûtes partiellement effondrées ; outre deux escaliers périphériques qui desservent les deux niveaux, des troncs d’arbres, quelques végétaux, des rochers et un sol bosselé figurent une forêt dont les colonnes seraient alors les fûts des arbres. L’éclairage (quasi) constant est astucieusement (r)animé grâce aux changements de bougies ou aux mobilités de caches-chandelles auxquelles procèdent deux discrètes maîtresses de cire. Et surtout, ce décor tourne souvent, dans les deux sens, pour accompagner la mobilité physique (géographiquement bridée, on l’a vu) des protagonistes. En s’interdisant presque tout déplacement en dehors de cette tournette, Benjamin Lazar se prive là de libertés et d’une écriture spatiale qui auraient évité la répétition des identiques et prévisibles trajectoires scéniques à l’intérieur d’un espace saturé. Disons-le : à la fin de l’acte II, ce décor est épuisé et il reste encore un acte à mettre en scène.
Certes, le symbole de la giration est puissant, en ce seicento où la rotondité des trajectoires des objets célestes était questionnée et dans un opéra où les dieux antiques meuvent les hommes comme des planètes. Mais, décidément, ce décor a délivré tout son implicite dramatique et la mise en scène se mue lentement en mise en espace. Dommage, tant le début de ce spectacle est brillant et même si Benjamin Lazar cantonne trop chaque personnage dans un seul registre expressif : à notre sens, Dema n’est pas le seul personnage comique ; une bonne part des autres rôles, même sérieux (y compris le rôle-titre), porte, ça-et-là, un fragment de drôlerie ou de ridicule.
La part musicale est digne de beaux éloges. Vincent Dumestre réalise ici la plus accomplie de toutes ses prestations en fosse. Ne dédaignant nullement de se saisir de son théorbe, il guide un continuo coloré et bi-choral : un capiteux ensemble de cordes frottées (basses de viole, lirone, basse de violon, contrebasse) répond un opulent groupe de cordes pincées (harpe, archiluth, théorbes, guitare baroque, colascione et clavecins). Soutenant confortablement les chanteurs, il n’en maîtrise pas moins le tempo de chaque danse et l’énergie globale de la représentation.
Le plateau vocal, homogène, est de réelle ampleur. Marc Mauillon a décidément les épaules larges et solides : après le si complexe rôle-titre dans Cachafaz, il apporte à Egisto, personnage dont les souffrances amoureuses constituent la seule personnalité, une admirable variété de déclamations, de couleurs, d’énergies et d’intentions. Une longue tessiture – baryton et baryton-martin –, une émission claire et une dense projection font le reste : Egisto captive, bouleverse. Des autres excellents chanteurs, on distinguera Isabelle Druet qui, aux prises, elle aussi, avec une autre figure de la déception amoureuse (Climene), touche tout aussi juste. On se réjouit que, désormais, Cyril Auvity ait su naturellement densifier son émission vocale : son Hipparco est de belle facture. Dans les rôles secondaires, Ana Quintans rappelle quelle fine musicienne elle est : son Aurora et son Amore sont délicieux.
Ce spectacle est coproduit avec l’Opéra de Rouen (il y sera donné à partir du 17 février), où l’ouverture de scène approche les vingt mètres, contre dix à la Salle Favart. On en frémit à l’avance : puissent des solutions être trouvées pour que, sur la scène haut-normande, la tournette n’y apparaisse pas liliputienne … »

Concertclassic – Le Triomphe de Mauillon

« La restitution d’époque doit-elle devenir la norme pour les recréations des opéras de l’ère baroque ? – L’Egisto de Cavalli selon Benjamin Lazar apporte une réponse en demi-teinte. Car dans un premier temps ce qui s’impose au jeune metteur en scène c’est d’abord son art propre – jeu d’acteur tout en nuance, tout juste perceptible dans l’enclos mesuré de la Salle Favart, goût d’une certaine ritualisation, recherche de l’effet poétique plutôt que dramatique – avant même que les codes d’un genre pas encore totalement retrouvés, comme cette gestique baroque, abandonnée rapidement par les chanteurs mais qui aura eu le temps d’effacer quasiment tous les caractères sinon celui du rôle-titre. Tout le spectacle crie que cette quadrature est impossible, qu’il faudrait plutôt que Lazar reste lui-même absolument et ne retire des codes et des moyens de l’époque qu’un surcroît de poésie. On a la démonstration de cette possibilité avec l’Hippolyte et Aricie de Rameau qu’Ivan A. Alexandre a monté pour le Capitole et que les Parisiens pourront découvrir à Garnier en juin.
Pour Egisto s’y ajoute une certaine incompréhension du théâtre vénitien et de ses strates de sens contradictoires. Là où Amour ne cesse de torturer les cœurs, le livret de Giovanni Faustini met sans cesse des doubles sens ironiques, crée des situations qui devraient être désopilantes, fourmillantes de coups de théâtre, le tout enveloppé dans une bonne dose d’érotisme. Mais non, on aura durant les deux premiers actes qu’une immense plainte pastorale, superbement dite à l’orchestre, pourtant pas assez varié, du Poème Harmonique, plus diversement portée par les chanteurs. Ah, la douceur des peines, la langueur des plaisirs, mais du rythme, de la vie, de l’humour, de l’incorrect non. On n’est pas à Venise, on est à Versailles comme d’ailleurs l’indique clairement la Dema de Serge Goubioud, si Grand Siècle français par le costume, alors même que ses moqueries et ses mises en demeure de céder à la luxure sont du pur théâtre vénitien.
Avec cela le décor joli plutôt qu’éloquent, vaguement pratique parce qu’il tourne – une tour effondrée à son second niveau qui hésite entre Venise et Hubert-Robert – peine tout de même à accueillir les voyages d’Amour et d’Egisto aux enfers. On s’en lasse vite, d’autant que Lazar y retrouve son péché mignon d’une scène encombrée jusqu’à l’illisible, où tout se tasse, où l’expression s’oppresse. On se coulisse, on se tord, on y arrive à peine, on monte, on descend, on se conforme au lieu alors que les lieux devraient participer de l’action (le mythe pourtant si réel du décor actif, principe de base de la machinerie dramatique baroque !) l’exiguïté n’est décidément pas une vertu théâtrale.
Quand à l’éclairage aux bougies, déficient – on annonce trois cents chandelles, il en faudrait mille – il donne à l’ensemble un côté veillée de Noël assez fade, outre qu’on n’y voit rien et que cela a incité les deux dames dont j’étais flanqué à un immédiat et profond sommeil. Bémol supplémentaire, un spectacle si discret, si subtil pour l’œil ne pourrait se goûter qu’en faisant le noir complet de la salle. Mais non, les méchants indicateurs de sortie de secours continuent de flamboyer de plus belle.
Morphée n’avait plus sa place au III, Marc Mauillon s’en chargeait. Ah, sa folie, grand moment ! Il éclate les cadres, enfonce le décor, défait la scène, voila Cavalli enfin, voila l’opéra, et on se fiche comme d’une guigne du style. Car au fond cet Egisto est moderne et nous parlerait directement sans peine si on voulait bien le débarrasser des encombrements d’une pseudo-philologie.
Tous les hommes sont parfaits ; le Lidio finement joué et admirablement chanté de Dahlin, enfin dans sa tessiture, le très tendre et fragile Hipparco de Cyril Auvity, Serge Goubioud assez irrésistible malgré son raide costume.
Mais mon Dieu ! pourquoi les avoir affublés de deux prime donne à faire peur – vocalement en tous cas. Le maigre organe de Claire Lefilliâtre sonne comme la mauvaise caricature de la regrettée Montserrat Figueras, et que fait ici Isabelle Druet, égarée, vinaigrée, massacrant son sublime lamento à force de le détimbrer pour faire baroque ? Deux seringues face à trois étoiles, le combat est inégal. Dumestre aurait trouvé mieux dans sa compagnie de chant, si il y avait regardé de plus près. Le joli Amour d’Ana Quintans, la beauté de Caroline Meng, la Semele de Mariana Flores, la Fedra et la Venus de Mélodie Ruvio affichent d’autres moyens.
Le rideau tombe, la salle fait un triomphe, on rentre chez nous et vite l’on se remet l’enregistrement chamarré que René Jacobs a réalisé du Giasone. Ce leste, ces récits piquants, ces airs à pleurer, cet orchestre melliflu nous rassurent. Oui Cavalli est bien un maître du théâtre et en de telles mains l’Egisto serait certainement un vrai opéra. »

Anaclase

« Quatre ans, presque jour pour jour, après la création de Cadmus et Hermione de Lully à l’Opéra Comique, le Poème Harmonique nous revient, dans la même salle, avec une toute nouvelle production et une création en France : Egisto de Pier Francesco Cavalli. Et dès la première, on ne peut que rester ébloui par ce nouveau rêve théâtral offert ici. Tout est en place, l’esprit de troupe fonctionne si bien que tout y est en équilibre au bord du fil, sensible et subtil, avec une distribution où chacun est à sa place, participant à un songe dont on aimerait ne se réveiller jamais.
Sans être le tout premier du compositeur, ni le plus célèbre, cet ouvrage méritait une attention toute particulière, car il est la synthèse de tout ce qui caractérise l’opéra vénitien. Egisto est une œuvre charnière, riche tant de son univers sonore aux couleurs enivrantes que de son livret poétique, parfois cynique et drôle, toujours onirique. Grâce à une coproduction entre l’institution parisienne et l’Opéra de Rouen, grâce aussi à divers mécénats, Vincent Dumestre et Benjamin Lazar ont disposé de moyens nécessaires pour recréer l’univers baroque, cet esprit d’émulation qui permit à l’opéra publique de naître en ce début du XVIIe siècle dans la Cité des Doges. Il est le fruit d’une économie qui tentait de permettre à la Sérénissime de faire face à son déclin en se jouant de son décor. Ville de théâtre et du Carnaval, elle trouva une nouvelle source de richesses et d’emplois, grâce à la musique, à des librettistes et des compositeurs de talent, à la magie du théâtre. Ce soir, nous avons pu vivre une nuit à Venise, à moins que ce fût sur une île grecque, en des places rêvées, dans quelques forêts où princes et princesses, dieux et allégories se sont joués de l’amour à la folie, révélant la cruauté des sentiments.
Après sa création en 1643 au Teatro San Cassiano, fort d’un réel succès, Egisto fit en partie le tour de l’Italie et de l’Europe, mais sans passer par la France comme on le crut longtemps. Cette fable en musique conte l’histoire de deux couples, Egisto-Clori et Lidio-Climène. Au début de l’opéra, séparés par des pirates ils se retrouvent sur l’île grecque de Zakynthos. Durant la séparation des couples initiaux, Lidio et Clori se sont rencontrés, oubliant leur amour d’antan. La jalousie va conduire Climène et son frère Hipparco (lui-même amoureux de Clori) à tout entreprendre pour briser ce nouveau couple, tandis qu’Egisto sombre dans la folie. Entre eux s’interposent dieux et allégories, rendus responsables de la situation. Vénus et Apollon s’affrontent en utilisant, comme des marionnettes, ces humains trop fragiles. C’est Amour (Cupidon) qui tire les fils de cristal des sentiments. Et c’est parce qu’il est lui-même victime des femmes, les Héroïdes (Sémélé, Didon et Phèdre), qui lui reprochent leur sort et tentent de le tuer lors de sa visite aux Enfers, qu’il met, pour se racheter, de l’ordre dans ces cruels jeux amoureux.
La mise en scène de Benjamin Lazar est un tableau digne du Caravage, aux clairs-obscurs fantasmagoriques, où chaque mouvement, chaque geste, est d’une beauté et d’une fluidité absolue. Tout semble s’intégrer à un cosmos où l’harmonie règne sans que la violence des sentiments ou la douleur ne l’atteigne. La gestuelle baroque permet à chaque chanteur de donner sens à cette langue qui chante divinement. Ainsi dispensent-ils qu’on lise les surtitres, tant cette gestuelle qu’ils maîtrisent parfaitement résonne d’évidence avec affects et situations. Les éclairages à la bougie – lumières somptueuses de Christophe Naillet – suggèrent ce feu qui consume les âmes et caresse les visages et les mains. Les costumes d’Alain Blanchot sont d’une grande magnificence qui rappelle les damas de soie que les commerçants vénitiens rapportaient d’Orient, faisant de l’illusion un conte des milles et une nuit, tandis que les maquillages et les coiffures de Mathilde Benmoussa participent au foisonnement luxuriant et onirique. Les décors d’Adeline Caron sont réunis en une scène tournante, représentant un temple en ruine, un paysage bucolique, une forêt de colonnes où les esprits s’égarent.
Saluons d’abord la performance de Marc Mauillon. Il est un Egisto vulnérable, au timbre d’ombre et de lumière qui, dans la scène de folie, fait preuve d’une remarquable souplesse vocale et d’une présence scénique saisissante. Claire Lefilliâtre, dont la couleur vocale ensorcelle, est une Clori usant de ses charmes avec une ingénuité cruelle. Isabelle Druet campe une Climène tragique et humaine dont la douleur embrase dans son lamento de l’Acte II. Anders Jerker Dahlin est un Lidio volage, léger et séduisant. Quant à Ana Quintans, dans les rôles d’Aurora et d’Amore, elle irradie. Tout le reste de la distribution se révèle séduisant dans les différents dieux et allégories. On a particulièrement remarqué le beau mezzo de Mélodie Ruvio, superbe et poignante Vénus. Luciana Mancini, Caroline Meng et Mariana Flores font preuve de fortes personnalités ; enfin Serge Goubioud est une Dema (vieille servante) insolente et rusée.
À partir du matériau existant – une partition à cinq parties pour les symphonies, les ritournelles et certains airs –, Vincent Dumestre adapta Egisto. Par l’intermédiaire du Poème Harmonique, il lui apporte des couleurs fastueuses, sensuelles et incandescentes. Il ose même, sous forme de clin d’oeil – en miroir à l’hommage de Cavalli à son maître Monteverdi contenu dans T’abbracio, ti strigo, ti godo, l’air final (Egisto et Clori) qui d’ailleurs semble confirmer qu’il est bien l’auteur de Pur ti miro dans l’Incoronazione di Poppea –, ouvrir l’Acte III par une chaconne, Acesso mio core. Cette dernière concluait son enregistrement dédié à Manelli, le véritable créateur de l’opéra vénitien au San Cassiano, cinq ans avant Egisto. « Honnête dissimulation » rappelant que le théâtre est le royaume de l’illusion, de l’apparence et de l’éphémère où l’amour se reflète à l’infini. Egisto est un joyau, à découvrir pour votre plus grand bonheur, un rêve vénitien aux charmes enchanteurs. »

Opéra Magazine – mars 2012

« Pour l’ouvrage, et pour ceux auxquels il avait été confié, on attendait beaucoup de cet Egisto (1643) à l’Opéra-Comique, étape supplémenntaire du retour vers Francesco Cavalli initié, cette saison, avec La Didone à Caen. Mais que ce soit dans le délire du mélange des genres ou dans la passion couvant sous les apparences glacées de la tragédie, on est loin, ici, de ses Ormindo, Calisto ou Didone.
Est-ce faute d’avoir consommé sans modération des intrigues du même genre pendant ces dernières décennies ? Aussi habile soit-il, le livret de Giovanni Faustini – doubles amours contrariées, égarement passager du principal protagoniste, manipulation des humains par les dieux – a de fâcheux airs de déjà-vu. Heureusement que la partition, foisonnante, l’anime et l’illumine, alternant des récitatifs et des airs en grand nombre, brefs, pour la plupart, et variés. L’astucieux décor tournant sur deux niveaux imaaginé par Adeline Caron a de l’allure : des colonnes, des arches brisées, des fleurs et des branchages pour leur donner un peu de vie, c’est joli et élégant, mais sans surprise au bout de trois actes et un Prologue. L’exubérance distinguée des costumes d’Alain Blanchot, en revanche, est réjouissante.
On connait et l’on aime le travail de Benjamin Lazar, cette stylisation des gestes, cette manière qu’ont les corps de révéler les sentiments, toute cette rhétoorique qui s’est si bien appliquée à la comédie-ballet ou à la tragédie lyrique. Elle semble moins heureuse dans cette «j01Jola drammatUa musicale» où la rigidité des codes pèse de tout son poids, et où l’éclairage aux bougies, d’habitude si efficace, se montre insuffisant ; moins d’artifice à la française, davantage de démesure, d’humour, bref, davantage d’Italie et de naturel n’auraient pas nui à cette vision presque trop aristocratique pour une œuvre créée dans un théâtre vénitien payant, donc ouvert à un public des plus vastes, pour ne pas dire populaire.
Comment être convaincu par le chant? Même si son timbre prend parfois des couleurs étranges, Claire Lefilliâtre montre qu’elle est familière d’un style vocal exigeant un équilibre sur le fil du rasoir entre parlé et chanté. Même chose pour Anders J. Dahlin et Cyril Auvity, qui ont le sens du mot et de la déclamation. Autour d’eux, une équipe correcte, emmenée par Serge Goubioud (amusant en travesti, mais n’exploitant qu’à demi le comique de personnages dont il n’assume pas complètement la vocalité). Mais qu’est-il arrivé à Marc Mauillon et Isabelle Druet, l’un et l’autre méconnaissables ? Méforme passagère ou manque de maîtrise de ce répertoire ? Dans le rôle-titre, Marc Mauillon a du mal à placer sa voix, son élocution italienne bien faible ne l’aidant pas, d’où de constants problèmes de justesse. Peu à l’aise dans un registre aigu constamment sollicité, Isabelle Druet lui emboîte le pas.
Le vrai plaisir musical vient du Poème Harmonique, au son vibrant, charnu et raffiné, et de la direction de Vincent Dumestre (lequel joue aussi parfois de son théorbe), vivante et dynamique. En dépit de quelques moments magiques, ce spectacle marque le pas sur les précédentes réussites d’une équipe qui, d’emblée, avait atteint un niveau exceptionnel. « 

Classica – mars 2012 – «Egisto », tête bien pleine mais mal faite

« À quelques mois de distance, la jeune génération des metteurs en scène s’empare de la redoutable dramaturgie de Cavalli. Après La Didone de Clément Hervieu-Léger, à revoir bientôt au Théâtre des Champs-Élysées, Benjamin Lazar met en bougies et en costumes Egisto.
Chaque fois, l’écueil à surmonter est la langue. Autant la lecture baroque magnifie Quinault, autant elle échoue avec l’italien. Malgré un décor splenndide, mi-catacombe, mi-Arcadie ruinée où flottent les costumes pittoresques, le charme n’opère guère. Des récitatifs immenses entrecoupés de trop .. peu d’envols lyriques font que le spectacle, pourtant d’un goût exquis, peine à accrocher. L’émotion est dans la fosse où Le Poème harmonique de Vincent Dumestre est l’ensemble le plus sensuel que l’on puisse entendre dans ce répertoire très exigeant. Les solistes sont excellents, comme le couple brûlant formé par Marc Mauillon et Isabelle Druet – Anders Dhalin et Claire Lefiliâtre restant plus guindés. Mais l’érudition théâtrale atteint ici ses limites. Le Seicento demande plus de chair et moins d’esprit pour se réincarner. »

Diapason – mars 2012 – Les promesses d’Egisto

« Voilà longtemps que nous appelions de nos voeux cet Egisto (1643), sixième de la trentaine d’opéras conservés de Cavalli, l’un des plus appréciés en son temps comme des plus aptes à séduire aujourd’hui. Pour sa seconde collaboraation avec Faustini (génial librettiste de La Calisto), Cavalli adopte un nouveau style, où point l’influence de la cantate romaine, où le récitatif recule devant une enivrante profusion de mélodies, airs, mezz’arie et duos.
Cette spécificité a dicté l’approche de Vincent Dumestre, qui parie sur une riche instrumentaation (flûtes doublant les violons, harpe accommpagnant les basses) et dirige la partition de bout en bout (depuis le théorbe) : si cette option resstreint l’improvisation, elle renforce l’expressivité de l’écriture, sans en sacrifier la souplesse. Lors de la première, hélas 1, les chanteurs restaient hésitants: trop de problèmes de justesse, notammment chez Cyril Auvity, gêné par la tessiture j’Hipparco, et Claire Lefilliâtre, Clori à l’émisssion brumeuse. Dans le beau rôle de Climene, Isabelle Druet s’en sort mieux, tout en manquant de liberté. Lidio, le sigisbée contraltino, va comme un gant au précieux Anders Dahlin, la piquante soprano Ana Quintans se tire fort bien de sa triple partie, Serge Goubioud est parfait en vieille duègne mais moins crédible en Nuit, où l’on attend une noire contralto.
Le triomphateur de la soirée reste Marc Mauillon (Egisto), diction et projection exemplaires, couleurs charnues, incarnation engagée : son lamento mériterait plus de sfumato, d’ambiguïté, mais cette émission franche, un peu brute, maagnifie la folie de l’acte III. Comme dans Le Songe de Shakespeare, l’action d’Egisto est double: d’un côté, un quatuor désaccordé d’amants, de l’autre, une poignée de divinités qui les manipule.
Benjamin Lazar a symbolisé ce double jeu par un décor à deux niveaux -les colonnades d’un palais en ruine -, représentant l’île où se croisent les couples. Mais monter ce décor sur une toumette se révèle une fausse bonne idée: si le procédé permet de belles allégories (les bouleversements apportés par l’Aurore ou la démence), il asphyxie l’action, l’enferme dans une série de gestes éléégants. Aux titianesques costumes d’Alain Blanchot répondent les éclairages (à la bougie) très insuffisants de Christophe Naillet, contraariés par le contre-jour de la fosse. Un peu déçu par la scénographie, on se prend à rêver d’un disque – enregistré après quelques répétitions supplémentaires… »

University of North Carolina campus – Chapel Hill – Hill Hall – 20 novembre 2009 – édition Webb Wiggins et Roger Brunyate – dir. Brent Wissick – chorégraphie Jeanne Fischer – avec Noelle Harb (Aurora, Amor), Phil Denny (Dema), Lydia Kiefer (Clori), John Charles Clark (Egisto), Zack Ballard (Lidio), Clare FitzGerald (Climene), Kevin Shaffer (Ipparco), Risden McElroy (Notte, Apollo), Emily Smith (Semele), Joncie Sarratt (Dido), Joanna Burke (Fedra), Hannah DeBlock (Hero), Jessica Hiltabidle (Venere), Alex Daly Ipparco), Lauren Wallace, Sarah Whitford

 

Suny Potsdam’s Crane Music Center – Sara M. Snell Music Theater – État de New York – 17, 18, 19 avril 2009 – version Leppard – Crane Ensemble & Orchestra

 

San Francisco – Fort Mason Center’s Cowell – 10, 12, 13 avril 2008 – San Francisco Theater Conservatory of Music Opera Theatre – dir. Christopher Larkin, Kathryn Cathcart – mise en scène Richard Harrell – costumes Kristi Johnson – chorégraphie Heather Carolo – avec: Eleazar Rodriguez, Pedro Betancourt (Egisto), Shaeny Johnson, Katie Gerber (Clori), Alvin Tan, Jefferson Taylor (Apollo), Evgenia Chaverdova, Jennifer Panara (Climene), Lauren Groff, Elana Cowen (Lidio), Erica Schuller (Amor)


Mercer University – Macon – Fickling Hall, Mercer’s Townsend School of Music – Géorgie – États Unis – 3, 5, 6 avril 2008 – version Leppard – Mercer University Opera – dir. Martha Malone

 

Cutler Majestic Theatre – Emerson College – Boston – Massachusets – 7, 8, 9 mars 2008 – dir. John Greer – mise en scène Marc Astafan – décors Caleb Wertenbaker – costumes Seth Bodie

 

Université de Princeton – 7, 8 janvier 2005 – Princeton University Opera Workshop – dir. Michael Pratt – mise en scène Clifford Sofield – avec Sarah Paden (Clori), Amy Coenen (Amore), Katherine Lu (l’Aurora) – édition Wendy Heller, Jennifer Eberhardt, et Daniil Zavlunov


Dublin – National Concert Hall – John Field Room – 6 juin 2001

 

Walcot Hall in Shropshire – 13 mai 2001 – Birmingham Conservatoire – dir. Stephen Wilder – avec Neil Williams (Egisto), David Naylor-Gray (Dema), Sally Villa (Cupidon)

 

Boston – New England Conservatory’s – Massachusets – 28, 29, 30 mars 2001 – avec Emily Bieber (Goddess of the Dawn)

 

Princeton – Friedberg Hall, Peabody Conservatory – 23, 24 février 2000 – Peabody Chamber Opera – révision Webb Wiggins & Roger Brunyate – dir. et clavecin Webb Wiggins – avec Yoona Sophia Cho (la Notte), Elizabeth Baber (l’Aurora), Chad Michael Freeburg (Lidio), Maija Lisa Currie (Clori), Kenneth Harmon (Egisto), Sung Eun Kim (Climene), Brian Ming Chu (Ipparco), Samuel Lowry (Dema), Alfonsina Molinari-Rosaly (Bellezza), Yoona Sophia Cho (Volupia), Kathryn Aaron (Amore), Sarah Berger (Venere), Jennifer Strauss (Semele), Trina Renae Miller (Fedra), Karen Zizzi (Didone), Adrienne Foutz (Apollo) – nouvelle édition Webb Wiggins et Roger Brunyate




San Francisco – 1999 – extraits

 

Theaterschool d’Amsterdam – 6 mai 1997 et sq. – De Nieuwe Opera Academie – Barokensemble Sweelinck Conservatorium – dir. Javier López Piñón – costumes Ferry Schmidt – lumières Joop Caboort – production Marijke Reuvers – avec Iris de Koomen (Belezza / Semele / Ora 1), Ante Lohse (Volupia), Albert van Ommen (Egisto), Anabela Coelho Marcos (Clori), Janine Pas (Lidio), Doldie Noorduyn (Climene), Charles Hens (Hipparco), Esther Beima (Amore / Ora 3), Mariëlle van der Pol (Dema / Apollo), Marijana Mijanovic (Didone), Sinéad Pratschke (Fedra / Ora 2), Madeleine Cuckney (Hero / Ora 4 / Venere), Frank Wong (Cinea)


Egisto à Amsterdam

Boulder – University of Colorado – 24, 25, 26, 27 avril 1997

 

Boston – Massachusetts – 12, 13, 14 avril 1996

 

Norwegian State Opera High-school – 1er octobre 1993

 

Londres – Sir Jack Lyons Theatre – 10, 11, 13, 14 juin 1991

 

Berlin – Hebbel-Theater – 4 novembre 1989 (et 7 autres représentations) – dir. Brynmor Jones – mise en scène Henry Akina – décors Folker Ansorge – costumes Andrea Hoppen, Folker Ansorge – avec Regine Gebhardt, Karin Kunde, Lattilia Ronrico, Miriam Rosenthal, Elisabeth Umierski, Silvia Weiss; Bruno Fath, Oliver Gawlick, Mieko Kanesugi, Markus Köhler, Richard Lloyd Morgan. Philip Sheffield

 

Salzbourg – Grosses Studio – Hochschule Mozarteum – 22, 24 avril 1988

? – 1987 – avec Della Jones, James Bowman, Neil Rosenshein

 

Glasgow – Royal Theatre – 15, 21, 24 mars, 3, 5, 7 avril, 10, 12 mai 1984

 

Liverpool – Empire Theatre – 4 mai 1984

 

Boston University – 29, 31 mars 1984

 

University of Kansas – Lawrence – 1er, 2 décembre 1983

 

BBC TV2 – 25 septembre 1982

 

Venise – La Fenice – 26 mai 1982 – 5 représentations – Orchestra della Scottish Opera – dir. Roderick Brydon – mise en scène John Cox, décors et lumières Allen Charles Klein – avec: Roderick Kennedy (la Notte), Rosanne Brackenridge (l’Aurora), Della Jones (Clori), Tom McDonnel (Lidio), Neil Rosenshein (Egisto), Teresa Cahill (Climene), Donald Maxwell (Ipparco), Frank Egerton (Dema), Vida Schepens (Bellezza), Linda Ormiston (Volupia), Patricia O’ Neill (Amor), Beverly Mills (Venere), Susanna Ross (Semele), Una Buchanan (Freda), Linda Ormiston (Didone), Claire Livingstone (Ero), Alan Oke (Apollo), Susanna Ross (Primavera), Rosanne Brackenridge (Estate), Beverly Mills (Autunno), Vida Schepens (Inverno)


Boston – 1er, 2, 3, 4 avril 1982

 

Glasgow – Theatre Royal – 1982 – Scottish Opera – dir. Raymond Leppard – mise en scène John Cox – décors, costumes et lumières Allen Charles Klein – avec Della Jones (Clori), James Bowman (Lidio), Neil Rosenshein (Egisto), Delia Wallis (Climene), Donald Maxwell (Ipparco), Hugh Hetzerington (Derna), Patricia O’Neill (Amor), Linda Ormiston (Volupta, Didone), Susanna Ross (Semele, Primavera), Rosanne Brackenridge (l’Aurora, Estate), Beverley Mill (Venere, Autimno), Vida Schepen (Belleza, Inverno), Roderick Kennedy (la Notte), Una Buchanan (Fedra), Claire Livingstone (Hero)


vidéo – représentation complète (en 15 vidéos successives)

http://www.youtube.com/watch?v=Hit0XZ20X54&feature=related

BBC R3 – 14 janvier 1982

Los Angeles – 1er, 2 mai 1981

Converse College – 15 janvier 1981

 

America’s National Park for the Performing Arts – Washington D.C. – Filene Center – 19, 20 août 1977 – version Raymond Leppard, en anglais – The Wolf Trap Bach Opera – dir. John Moriarty – avec Michael Warren (la Notte), Karen Yarmat (Clori), Carmen Balthrop (Climene), Faith Esham (Amor), Sheila Barnes (L’Aurora, Heronie, Four Seasons), Glenn Cunningham (Ipparco), John Lankston (Dema), Kathryn Karassik (Bellezza, Four Seasons), Elizabeth Knighton (Venere, Four Seasons), Terry Patrick (Volupia, Heronie, Four Seasons), Janice Hall (Heroine), James Bowman (Lidio), David Kuebler (Egisto), L. Brad Liebl (Apollo)



enregistrement audio – 2 CD – Premiereopera
enregistrement audio – CD House of Opera

 

Rome – Piccolo Opera – 24 avril 1977 – I Virtuosi di Roma – dir. Renato Fasano – mise en scène Filippo Crivelli – scénographie Pier-Luigi Samaritani

 

Venise – La Fenice – 20 septembre 1976 – Settimana musicale dell’UNESCO a Venezia – Piccolo teatro musicale della città di Roma – I Virtuosi di Roma – clavecin Carlo Bruno, Riccardo Castagnone – dir. Renato Fasano – mise en scène Filippo Crivelli – costumes Pierluigi Samaritani – version Gianfranco Prato (sans prologue et en deux actes) – avec Carmen Gonzales (la Notte), Cecilia Fusco (l’Aurora, Clori), Leo Nucci (Arturo Testa) (Lidio), Edoardo Gimenez (Egisto), Carmen Gonzales (Climene), Ernesto Palacio (Hipparco), Teresa Rocchino (Dema), Edith Martelli (Amor), Teresa Rocchino (Venere)

 

Opéra de Santa Fe – première 1er août 1974 – reprise en 1976 – dir. Raymond Leppard – avec George Shirley

 

Munich – juin 1973 – Complesso camera Orchestra Stato bavarese – dir. Hans Ludwig Hirsch – avec Kehko Kawata, contralto, Hildegard Heichele, soprano, Nikolaus Hillebrand, basse, Lilian Sukis, soprano, Rüdiger Wohlers, ténor (Egisto), Trudeliese Schmidt, mezzo-soprano, Heiner Hopfner, ténor Kehko Kawata, contralto – édition Gianfranco Prato et Hans Ludwig Hirsch

 

Venise – Scuola di San Rocco – 30 août 1970 – version de concert – I Virtuosi di Roma – Collegium Musicum Italicum – dir. Renato Fasano – avec Oralia Dominguez, mezzo-soprano (Climene, la Notte), Rita Talarico, soprano (Clori, l’Aurora), Sesto Bruscantini (Lidio), Luigi Alva, ténor (Egisto), Florindo Andreolli (Ipparco), Cristina Angelakova (Dema, Amor), Terry Reid (Venus, Cinea) – édition Gianfranco Prato

enregistrement disponible – 2 CD – Premiereopera Italy

enregistrement disponible – CD – La Maison de la Lirique